(Busseto 1813 –
Milan 1901)
Verdi étudie au
conservatoire de Milan grâce à son protecteur Barezzi, qui découvre
le talent du jeune musicien alors qu’il remplace son instituteur à l’orgue du
village. Verdi travaille sur les œuvres des grands maîtres allemands aussi bien
qu’italiens. Il présente avec succès son premier opéra en 1838, Oberto.
Mais ce n’est rien comparé au triomphe de Nabucco, dont le chœur
« Va pensiero » devient l’hymne symbolisant la résistance
de l’Italie à la domination autrichienne.
Le succès est à
nouveau au rendez-vous pour ses opéras suivants, Les Lombards (1843)
et surtout Macbeth (1847), dans lequel il perfectionne
l’orchestration. Le travail psychologique qui y est esquissé domine tout à fait
dans la « trilogie », Rigoletto (expression des émotions
contradictoires), Le Trouvère (trio amoureux) et La
Traviata (souplesse du langage). Les créations se
poursuivent, notamment à Paris ; Verdi est confronté à de nombreuses
commandes, mais mène entre-temps une carrière politique en tant que député
(1861-65).
La fin de sa
production est marquée par deux œuvres particulières : Otello,
opéra foisonnant de nouvelles formules musicales, et Falstaff,
seule grande comédie lyrique de Verdi. Dans un dernier éclat de rire, Verdi
transmet à un public devenu complice une œuvre enlevée et fidèle à son amour de
la voix.
Verdi en six dates
Giuseppe Verdi n’est
pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche, mais plutôt avec de maigres
portions de polenta, partagées chaque jour avec sa petite famille. Son père,
Carlo Verdi, tient une petite auberge dans le hameau de Roncole, près de la
ville de Parme, et sa mère, Luigia Verdi, est filandière de métier.
Peppino, comme on l’appelle alors
petit garçon, n’est pas vraiment promis à un avenir grandiose… Mais ses parents
ont à cœur qu’il reçoive une certaine éducation. Il va donc à l’école - que
tient le prêtre de Roncole - et apprend à lire et écrire. A l’âge de dix ans,
il est envoyé en pension à Busseto, le village le plus proche, pour y
poursuivre ses études.
Si Giuseppe Verdi est bien issu d’un milieu modeste et rural,
comme il aime lui-même à le rappeler, sa famille n’est cependant pas démunie.
Les Verdi jouissent d'ailleurs d’une bonne réputation dans la commune, ce qui
lui permettra de s’attirer la sympathie de nombreux protecteurs…
Peppino Verdi est très vite captivé par la musique : que ce
soit par l’orgue durant la messe ou lorsque des musiciens sont de passage à
l’auberge familiale. Ses parents lui offrent alors une spinetta (un
petit clavecin), cadeau bien rare et précieux pour un petit garçon de campagne
de l’époque. Le petit Verdi s’entraîne tant et si bien qu’il est engagé, à
seulement 12 ans, comme organiste de l'Église.
Barezzi et Provesi décident d’envoyer leur protégé à Milan, afin
qu’il y reçoive une haute éducation musicale. Mais survient alors un premier et
terrible échec pour Verdi : on lui refuse l’entrée au conservatoire. L’un
des membres du jury le destine même à un avenir « médiocre »...
Certes, Verdi a dépassé l’âge limite d'inscription (il a alors
18 ans) , il est issu d’une province étrangère
(rappelons qu’en 1832, l’Italie n’est pas encore unifiée), mais il arrive tout
juste d’un village où chacun est persuadé de son talent. La déception est amère
pour le jeune musicien qui, tout au long de sa vie, conserva une certaine
rancune envers le conservatoire milanais.
Pas question pour autant d’abandonner la musique, malgré l’échec
du conservatoire. Verdi apprend auprès d’un professeur particulier, Vincenzo
Lavigna. Et petit à petit, il se fait un nom parmi la société
musicale milanaise. Un nom, mais pas pour autant une carrière...
Les temps sont durs pour le jeune Verdi, qui dépend alors du
seul soutien financier de ses bienfaiteurs et qui épouse la fille de l'un
d'entre eux, Margherita Barezzi, en
1836, devenant ainsi père de deux enfants avant l’âge de vingt-cinq ans.
Créé en 1842 à la Scala de Milan, l’opéra
est une petite révolution, propulsant Verdi parmi les plus respectés maestri italiens.
Avec Nabucco -
dont tout italien connaît bien le chœur du peuple hébreu, Va,
Pensiero - l’intrigue représentée sur scène n’est plus
seulement celle des passions de l’âme. Elle est aussi politique. On entend les
mots liberté et patrie dans
le texte des chanteurs et, en cette période de troubles politiques, l’oeuvre de
Verdi n’est pas sans écho aux revendications politiques du peuple italien…
Après le succès de Nabucco, plus rien n’arrête
le génie créateur de Verdi. Ernani (1844), Macbeth (1847), Luisa
Miller (1849), Rigoletto (1851), La
Traviata (1853)... il achève seize
opéras en à peine dix ans. Et si la plupart de ces œuvres sont très populaires,
reprises en chœur par les foules, c’est parce qu’elles traitent de sujets
sociaux, engagés, dans une Italie où l’opéra est le premier des arts, et où
chaque ville a son propre théâtre lyrique.
Verdi ne cache d’ailleurs pas son
patriotisme, ni son soutien au processus d’unification. Il choisit ses livrets
d’opéras en écho à ses idéaux, comme en 1849, à Rome où, quelques jours
seulement avant la proclamation de la République, il donne la première de La
Battaglia di Legnano ; mise en scène de la victoire de la
Ligue lombarde sur les Germains et dont les paroles du chœur d’ouverture ne
sont autres que : « Viva l’Italia ! Sacro un patto stringe i
figli suoi ! (Vive l’Italie ! Un pacte sacré unit tous ses
enfants ! »
Quiconque fait affaire avec Verdi doit s’attendre à de féroces
négociations… « Il n’est pas question que je donne mon consentement en
dessous de tel chiffre », écrit-il ainsi au cours d’un échange
avec le directeur de la Fenice de Venise, dès le début des années 1840. Ou
encore, suite à la réception d’un contrat avec le même
théâtre : « J’y vois plusieurs points contestables,
[...] j’y
apporte quelques modifications que, bien entendu, vous restez libres d’accepter
ou de rejeter. »
Il faut dire que Verdi ne porte pas les directeurs de théâtre et
éditeurs de musique dans son cœur. Ses querelles avec les Opéras, la Scala de
Milan et la Fenice de Venise notamment, sont fréquentes et notoires. Car le
compositeur contrôle chaque détail de ses productions et ne tolère aucune
modification concernant ses œuvres, que ce soit dans leurs partitions ou dans
leurs livrets.
Or les opéras du compositeur sont joués et rejoués à travers
toute l’Italie, ainsi que dans de nombreux pays voisins, et il arrive
fréquemment que des interprètes, chefs d’orchestres ou directeurs apportent
leur petite ‘touche personnelle” à l’oeuvre d’origine. Certains suppriment des
airs, d’autres modifient les textes du livret... Verdi ne le supporte pas,
considérant qu’il s’agit d’un non-respect de son travail, et voyage parfois
jusqu’à Saint-Pétersbourg pour s’assurer de la production conforme de son
oeuvre.
Dès les années 1840, l’entourage de Verdi ne s’étonne plus de le
voir tout à coup ‘disparaître’, se retirer de la vie musicale... C’est en
général après la création de chaque grand opéra qu’il éprouve ce besoin. Par
exemple, suite à l’immense succès du Bal
Masqué, en 1859, il écrit à son ami Zarlatti : « Je
ne saurais même plus comment tenir une plume pour écrire de la musique. ».
Les journalistes milanais annoncent même sa retraite définitive !
« J’ai adoré cet art et je l’adore
toujours ; quand, tout seul, je me débats avec mes notes, mon coeur bat,
les larmes me coulent des yeux, mes émotions et mes joies passent toute
description. Mais si je pense que mes pauvres notes vont être jetées à des gens
sans intelligence, à un éditeur qui les revendra pour que la foule s’en
divertisse ou s’en moque, alors, non, je n’aime plus rien de tout cela. »
Lorsqu’il n’est pas en voyage ou à Milan, Verdi séjourne à Sant’Agata,
un domaine agricole dont il a acquis la propriété, près de son hameau natal. Le
compositeur s’y emploie avec grand plaisir à l’administration des terres, au
soin des animaux, à la chasse ou à la plantation de différentes espèces
d’arbres. Sant’Agata est son refuge, où il est interdit de jouer ne serait-ce
qu’une seule note de ses compositions. Il y vit presque reclus, au côté de sa
deuxième compagne Giuseppina Strepponi,
cantatrice dont la réputation sulfureuse fait beaucoup jaser au village…
Giuseppe Verdi a en horreur les atmosphères mondaines et les
longues flatteries dont il fait l’objet. Être démocratiquement élu au Parlement
de Turin, en 1861, lui fait bien plus honneur que d’être rappelé 32 fois sur la
scène de la Scala après une première, ou de voir un théâtre baptiser en son nom
à Busseto. Non pas qu’il sous-estime l’importance de l’art dans la société, au
contraire, mais il a peu d'intérêt pour les critiques, ni même pour le public
des théâtres.
Pourtant, au Parlement, Verdi ne s’en trouve pas moins
illégitime, persuadé qu’il apporte davantage un nom qu’un talent de politique.
Il est cependant un député assidu et impliqué, œuvrant, entre autres, pour
l’unification, le développement agricole, de même que pour un meilleur accès
des italiens à l’enseignement musical.
Deux projets procureront une fierté particulière au
compositeur : la construction d’un hôpital, en 1888, pour les deux cents
ouvriers agricoles de son domaine, et celle d’une maison de repos, l’année
suivante, accueillant musiciens âgés et démunis.
Il est une oeuvre que Verdi rêve de mettre en scène et en
musique : le Roi Lear, de WilliamShakespeare.
Le compositeur est un fervent admirateur du dramaturge anglais et trois de ses
opéras, Macbeth, Otello et Falstaff, sont
directement inspirés des pièces de Shakespeare. Une admiration et un respect
tels que Verdi ne parviendra jamais à produire une adaptation fidèle du Roi
Lear, conforme à ses attentes.
« Si nous devions choisir Re Lear (ndrl :
pour la création d’une oeuvre à l’Opéra de Paris, en 1865), il
faudrait rester fidèle à Shakespeare et suivre rigoureusement sa démarche.
C’est un si grand poète qu’on ne peut y toucher sans lui retirer cette
originalité et ce caractère si puissants chez lui. »
L’incapacité à faire du Roi Lear un opéra
reflète chez Verdi son exigence, de même que son goût pour le théâtre et les
beaux textes. Il n’y a pas plus grande insulte pour lui que de ne pas respecter
la volonté d’un artiste et la nature d’une oeuvre. Aussi, lorsque l’amour et la
souffrance des amants de La Traviata est moquée
au soir de la première à Venise, Verdi est consterné. « Est-ce
ma faute ou celle des chanteurs ? Le temps le dira »,
écrit-il ainsi à son élève Muzio, déçu de ne pas avoir été à la hauteur du
roman qui l’a tant inspiré, La Dame aux camélias d’Alexandre
Dumas fils.
L'histoire donnera raison à Verdi, et non aux interprètes de la
première... La reprise de La Traviata, un an après sa création, sera un immense
succès, et l'opéra fait depuis la gloire de grandes interprètes telles que Maria
Verdi en six œuvres